Les archives militaires
Alain BARRAULT
mise à jour d'avril 2007


À la recherche de NOS AÏEUX « POILUS »

L'accroissement du nombre de demandes d'entraide pour rechercher des ancêtres ayant participé à la guerre de 1914-1918, d'une part, et le caractère récurrent de plusieurs d'entre elles (JMO, localisations de sites, sépultures, par exemple), d'autre part, suggèrent de présenter en un seul document les procédures les plus pertinentes pour tenter de mieux connaître la vie de ces combattants. Les archives, tant militaires que civiles, peuvent le permettre. La présente fiche d'information et d'orientation a été conçue pour en faciliter l'exploitation.

Les victimes de cette hécatombe, n'ont pas toutes reçu le statut de « mort pour la France », de même que tous n'étaient pas militaires. L'attribution de ce statut juridique est liée à des considérations administratives et les dispositions qui le régissent sont intégrées au Code des pensions militaires d'invalidité. Le statut de « mort pour la France » est une compensation, le plus souvent dérisoire, et non une décoration, ce qui existe par ailleurs. La recherche se fait en plusieurs étapes, décrites ci-après. Les démarches sont présentées dans un ordre décroissant de pertinence et de probabilité de succès. Les coordonnées des organismes cités sont regroupées à la fin du présent document.

Le fichier national des « morts pour la France »

La mention « mort pour la France » doit être portée, non seulement en marge de l'acte de décès (une transcription, avec parfois un long décalage, d'un extrait mortuaire délivré par l'armée ; l'acte original est dans la commune sur le territoire de laquelle a eu lieu le décès), mais aussi de tous les actes de l'état civil dans lesquels la personne concernée est mentionnée (acte de mariage ou de décès des enfants, acte de naissance d'un enfant posthume, acte de remariage ou décès de la veuve). Ce principe n'est pas toujours respecté. Il faut se méfier de deux types de conduite fautive : l'absence de mention (par négligence ou méconnaissance anormale des règles) ne signifie pas que le statut a été refusé ; à l'inverse, bien des municipalités ont déduit que le statut était accordé systématiquement, et ont pris des initiatives inopportunes. C'est ici l'occasion de rappeler que toute source doit être recoupée.

Le site Internet www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr présente en ligne les fiches des morts pour la France, que ce soit au combat, à l'hôpital civil ou militaire, parfois chez soi, pendant ou après la guerre, des suites de blessures ou de maladie contractée en service, ou en accomplissant des actes de dévouement ou de résistance (ces dernières catégories concernent plutôt des civils). Ces fiches sont identiques à celles disponibles aux Archives nationales, sous la cote générique 323Mi. L'ensemble n'est pas exempt d'erreurs, mais au moins est-il officiel (Le service détenteur est le Bureau des archives du monde combattant - BAM - à Caen).

La consultation par Internet se fait par choix successifs. Pour pallier de nombreuses erreurs de saisie, il est recommandé d'essayer plusieurs variantes orthographiques et d'utiliser les prénoms un par un en cochant la case « contient ». En cas de réponses multiples, le site propose une liste qui permet une appréciation de choix en fonction de la date et du lieu de naissance.

La consultation des microfilms est plus laborieuse, par l'intermédiaire d'inventaires strictement alphabétiques (c'est-à-dire ni hiérarchique ni par unités). Il existe deux inventaires : un pour les officiers, un pour les sous-officiers et les militaires du rang. Si vous ne connaissez pas le grade de votre ancêtre, il convient de consulter impérativement les deux inventaires.

Une autre série, 324Mi, consiste en des bobines consacrées aux cas litigieux (toutes catégories de personnels confondues) : décès après la guerre, suicides, démence, litiges sur le caractère imputable ou non de blessures ou infirmités ayant provoqué la mort. Ces bobines, seulement consultables par des personnels habilités, au CHAN / CARAN, ne sont même pas évoquées sur le site Internet. Une dérogation peut être accordée sur demande écrite, dûment motivée, adressée à la division des archives contemporaines.

Ces différences entre les deux versions du même fichier sont dues à l'intervention de la Commission nationale informatique et libertés, dont les recommandations ne s'appliquent qu'aux traitements informatiques, et non au fichier original.

Pour les marins, la version papier se trouve au Service historique de la défense (département de la Marine) au château de Vincennes.

L'armée de l'air, en tant qu'entité distincte, n'existait pas avant 1934. Les aviateurs morts pendant la Première guerre mondiale appartenaient à l'armée de terre (aéronautique militaire).

Les fiches donnent les renseignements suivants : nom, prénoms, date et lieu de naissance, grade, lieu et matricule de recrutement, unité et matricule au sein de celle-ci, date et lieu du décès (parfois les circonstances, très succinctement), date et lieu de la transcription de l'extrait mortuaire dans les registres de l'état civil, et (le cas échéant) date et lieu du jugement d'absence ou déclaratif de décès. Ce dernier document s'analyse comme un acte de décès et s'obtient auprès des mairies dans les mêmes conditions.

A noter aussi que certaines fiches sont en double. En fait, ce sont deux fiches établies pour des fichiers distincts pour des raisons administratives dans les années 1920, et fusionnés ensuite sans élimination des doublons. Enfin, il arrive qu'une fiche ait été mal classée : il faut toujours consulter les deux fichiers : officiers et troupe.

Les archives militaires

Les recherches qui concernent les officiers (parfois certains sous-officiers et hommes de troupe) sont à effectuer auprès du Service historique de la défense (SHD), dans un de ses trois départements - Terre, Marine, Air - tous situés dans une même enceinte : le château de Vincennes. Ces dossiers sont librement consultables à l'expiration d'un délai de 120 ans à compter de la date de naissance de l'intéressé. Ce délai est porté à 150 ans si le dossier contient des informations médicales. Normalement, les archivistes sont supposés ôter les documents à caractère médical, et communiquer le reste. Des dérogations peuvent être demandées, et elles sont accordées assez libéralement. La demande est à remettre au département concerné du SHD, qui se prononce sur son opportunité, et la décision est prise au ministère. Le délai de réponse est d'environ deux mois. Les documents obtenus par dérogation ne sont pas photocopiables ni photographiables, mais l'obtention du seul état signalétique et des services reste envisageable. La dérogation est strictement personnelle : elle doit impérativement être demandée par la personne qui ira physiquement consulter les pièces. Elle est accordée à titre définitif : il ne sera pas nécessaire de renouveler la demande en cas de nouvelle consultation et il suffira de rappeler les références de l'autorisation (date et numéro).

Les archives collectives de la guerre de 1914-1918, utiles au généalogiste, sont librement communicables, en sous-série 26N.

Les conditions de consultation (et la qualité de l'accueil) varient d'un département à l'autre du SHD ; il convient de se renseigner au préalable.

On peut être amené, après de nombreuses recherches infructueuses, à s'intéresser à la préparation militaire. Elle est traitée dans les archives nationales (cote F9 1433), départementales (série R) et communales (série H).

Au département de l'armée de terre du SHD

Les dossiers sont de deux types : administratif (ou de carrière) ou de pension. Le plus souvent, ils sont fusionnés, mais la vérification s'impose en consultant les deux types d'inventaires. Ceux-ci se présentent sous la forme de forts registres dans lesquels les personnes sont classées par ordre alphabétique. Attention aux noms à tiroirs et aux particules, les critères de tri sont parfois assez surréalistes ; pensez aussi à envisager toutes les variantes orthographiques.

Le critère de définition de sous-séries est chronologique. A l'intérieur d'une période, la date à retenir est celle à laquelle l'officier a été rayé des contrôles de l'armée active (décès, départ à la retraite, démission, révocation) Les dossiers de carrière sont dans une des sous-séries Ye (attention à la sous-série 5Ye, subdivisée en deux parties, la scission se faisant en 1914). Les dossiers de pension sont dans une sous-série Yf. Il arrive que la pension de réversion soit dans une série très postérieure à celle d'origine quand la veuve est beaucoup plus jeune que son mari, et lui survit longtemps. La pension servie à une veuve reste au nom du mari. Il est toujours utile, en cas d'insuccès, de consulter la sous-série 11Yf (pensions en instance). Les officiers généraux et certains corps d'officiers (armée coloniale, aumôniers, par exemple) font l'objet de sous-séries distinctes.

Au département de la marine

Le dossier d'un officier est accessible en désignant celui-ci par ses nom, prénoms et date de naissance. Si le grade et la date de fin des services sont connus, la recherche est facilitée pour le personnel. Les conditions de communicabilité et de dérogation éventuelle sont les mêmes qu'au département de l'armée de terre.

Veuillez noter que certaines archives de la marine militaire se rapportant à la 1re guerre sont entreposées en banlieue parisienne. Leur consultation à Vincennes exige une semaine de délai pour les réserver.

Au département de l'armée de l'air

Le dossier d'un officier est consultable dans les mêmes conditions que dans les autres départements, en prenant toutefois garde à l'importante particularité suivante : l'armée de l'air a été créée en tant que telle en 1934. En 1914, les pilotes appartenaient à l'armée de terre. Le département de l'armée de l'air détient les dossiers de ceux qui ont appartenu encore activement à l'armée de l'air après 1934. Les dossiers de ceux qui sont morts ou ont quitté le service avant 1934 se trouvent au département de l'armée de terre.

Egalement au département de l'armée de terre, on trouve des archives sur l'aviation et l'aérostation sous la cote 26N 1675.

Autres militaires

Les dossiers individuels des officiers de la Gendarmerie sont au département de l'armée de terre, quelle qu'ait été leur armée de service (terre, mer, air), sauf les gendarmes affectés en AFN au moment de la fin de leurs services ; leur dossier est à Toulon (SHD-Marine). Les dossiers des officiers du Service de santé (médecins, pharmaciens, vétérinaires) sont au département de l'armée dans laquelle ils ont servi. Les services historiques de la gendarmerie et du service de santé des armées ne détiennent aucune archive individuelle au titre de cette époque.

Les officiers qui ont servi dans la légion étrangère venaient de l'infanterie ou de la cavalerie : leur dossier est au département de l'armée de terre.

Si on subodore que le militaire, de carrière ou de réserve, a survécu longtemps à la guerre, il ne faut pas hésiter à interroger le SHD où les dossiers relativement récents - jusqu'en 1970 à peu près - sont triés et classés, mais ne figurent pas encore sur les inventaires présentés au public. Les dossiers traités ultérieurement comme des archives intermédiaires sont au BCAAM, à Pau.

Les archives départementales

Les fiches matriculaires des sous-officiers et des militaires du rang (on disait : hommes de troupe, ou matelots) sont détenues par les archives départementales qui les ont reçues des dépôts intermédiaires des trois armées : terre, mer, air. Ces fiches ont été conservées à Pau (terre), Toulon (mer) ou Chartres, puis Dijon (air) jusqu'à ce que la personne ait atteint (morte ou vive) l'âge de 92 ans. Il y a parfois, au moment des opérations de transfert (emballage, expédition et réception, déballage, tri, cotation, rangement), un temps de flottement pendant lequel les fiches ne sont nulle part.

Elles sont consultables dans les mêmes conditions que n'importe quel dossier de personnel (délai de 120 ou 150 ans). Nous ne nous attarderons pas sur les considérations souvent oiseuses, et empreintes de mauvaise foi, qui font refuser la consultation d'une fiche quand - exemples vécus - l'acné d'un adolescent prolongé, un strabisme prononcé ou une prétendue faiblesse du bras droit (celui qui manie le fusil), sont supposés relever du secret médical. Dans de trop nombreux dépôts on aurait tendance à porter systématiquement le délai à 150 ans. Faire respecter la loi en esprit est le plus souvent affaire de diplomatie car, si le chercheur a des droits, l'archiviste a les clés du placard aux dossiers. En tout état de cause, il faut toujours être en situation de pouvoir justifier de sa filiation directe. La première question à laquelle il faut répondre est : quel dépôt départemental faut-il consulter ?

S'il existe une fiche sur le site www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr, elle indique la classe ainsi que le lieu et le numéro de recrutement. C'est au dépôt d'AD correspondant qu'il faut s'adresser. Ces informations suffisent. Le matricule au régiment ne sert à rien, en l'espèce.

Si une telle fiche n'a pas été trouvée, il faut d'abord considérer le lieu de naissance, où étaient normalement recensés les garçons dès qu'ils avaient 20 ans révolus. Et l'adresse prise en compte était celle de leurs parents : ne dérogeaient de droit à cette règle que les jeunes gens mariés ou, sur leur demande expresse, ceux qui travaillaient ou étudiaient dans un autre canton. La consultation du tableau de recensement de la mairie renseigne utilement (série H des archives communales, ou série R des archives départementales). En cas d'insuccès, la liste départementale du contingent (série R des archives départementales) pallie cette lacune. La classe d'âge s'obtient en ajoutant 20 à l'année de naissance. La classe d'appel est la classe d'âge modifiée par des circonstances prévisibles, ou en tout cas prévues par la loi (sursis pour études ou raisons médicales, naturalisation) ; La classe de mobilisation résulte soit de la modification de la loi en vigueur au moment du premier appel au service, soit des charges de famille, et dans tous les cas en fonction de l'âge du civil à mobiliser. Mais il faut ratisser large : des jeunes ont pu devancer l'appel, l'armée a pu les mobiliser par anticipation quand les besoins en effectifs sont devenus criants. Enfin, on tiendra compte de ce que le bureau de recensement n'est pas obligatoirement au chef-lieu du département (préfecture), qu'il peut y en avoir plusieurs (6 pour le département de la Seine), qu'il peut se trouver dans un autre département (le découpage territorial militaire n'est pas celui du ministère de l'Intérieur).

Dans le cas particulier de l'Ile-de-France, il n'y a pas de fiches matriculaires dans les départements créés en 1964. Les archives départementales de ces départements ne recevront leurs premières fiches (classe 1965) qu'en 2037. D'ici là, on trouvera aux AD 75 les fiches de Paris et des communes de l'ancien département de la Seine (réparties sur les actuels 92, 93 et 94). De même, les fiches des actuels départements 78, 91 et 95 se trouvent aux AD 78.

Les fiches matriculaires des conscrits recensés en Algérie avant 1913 se trouvent au Centre des archives d'outre-mer (CAOM), mais ce fonds est très lacunaire. Les archives de la conscription concernant les jeunes gens recensés à l'étranger se trouvent à Nantes (Affaires étrangères) y compris celles venant des pays d'ancien protectorat (Maroc, Tunisie).

Comme dans les dépôts militaires, il y a des possibilités de dérogation. Elles sont souvent obtenues avec difficulté, mais au moins est-ce immédiatement. En général, le refus de photocopier est réellement justifié par l'état des documents (registres difficilement maniables et très fragiles, système de reliure antédiluvien ne permettant pas l'extraction des fiches). On profitera toujours d'une visite aux AD ou dans la commune pour consulter des documents susceptibles de parfaire utilement l'information : presse locale, délibérations du conseil municipal, organismes de bienfaisance (assistance aux familles).

Cas des recherches encore infructueuses à ce stade

Il convient de se tourner vers des organismes détenteurs d'archives sur la Guerre de 1914-1918, sachant que chacun a une fonction particulière et qu'il ne saurait détenir la totalité des documents recherchés, s'il en détient.

Ministère de la défense : Secrétariat général pour l'administration

La Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives, qui est maintenant l'échelon hiérarchique immédiatement supérieur au Service historique de la défense, dispose des ressources du Secrétariat d'État aux anciens combattants et victimes de guerre. A défaut de pouvoir toujours répondre rapidement et avec précision, il est en mesure de transmettre les demandes à qui de droit, et d'orienter les solliciteurs.

Directions interdépartementales des anciens combattants (préfectures de région)

Lors de la consultation du site www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr, le formulaire offre une option « recherche de sépulture » (en bas à gauche de l'écran). Elle n'apporte pas toujours une réponse : on ne saurait omettre de rappeler qu'un très grand nombre de corps n'ont pas été identifiés, ni même, parfois, retrouvés. Dans le cas où l'identification a été possible (corps pas trop mutilé, et plaque d'identité retrouvée) il faut déterminer le département où le militaire est inhumé, et interroger la direction interdépartementale des anciens combattants adéquate. On commence par celui du lieu du décès au combat ou à l'hôpital. C'est valable pour les corps qui n'ont pas été réclamés, et il y en eut beaucoup. Ensuite, on passe au département de recrutement puis, le cas échéant, et s'il est différent, au département de naissance.

La poursuite de ce jeu de piste peut parfois être facilitée en consultant, en série H des archives communales ou R des archives départementales, la correspondance entre les maires et le ministère des pensions, dans les années 1920. N'oubliez jamais, non plus, d'interroger les conservateurs et gardiens de cimetières, qui ont souvent dans leurs registres et tiroirs des trésors ignorés de leur propre hiérarchie.

On pourra également interroger l'association « Le Souvenir français », vouée à l'entretien des sépultures de militaires (aussi bien les nécropoles nationales, les carrés militaires, les sépultures individuelles). Le service concerné dans les communes est en mesure de donner les coordonnées du correspondant local.

Centre des archives contemporaines (Fontainebleau)

Ce service décentralisé des Archives nationales conserve, entre autres, les archives qui se rapportent au projet, jamais réalisé, de Livre d'or, destiné à être déposé au Panthéon. On peut, notamment, obtenir la liste des morts pour la France recensés au titre d'une commune donnée. Cette source est lacunaire. De plus, les conditions d'accès sont si mal commodes qu'il vaut mieux pouvoir s'en passer, en attendant le regroupement de tous les services dans la future, et encore mythique, « Cité des archives ».

Les échanges de correspondances officiels avec les communes sont à chercher en sous-série F9, cotes 3901 à 4493.

Enfin, pour mémoire, on trouve aussi à Fontainebleau les registres d'état civil des régiments, qui ont servi à établir les fiches microfilmées au CHAN/CARAN, et consultables en ligne sur le site « Mémoire des hommes » (F9 - 4494 à 5563).

Centre européen de la paix (Souchez)

Cet organisme répond volontiers, bien qu'assez lentement, aux demandes de renseignements. Il est surtout utile pour les recherches de sépulture.

Les archives communales

Elles sont à aborder avec prudence, a fortiori quand il faut effectuer un déplacement important pour s'y rendre. En premier lieu, elles sont loin de toutes disposer de la documentation nécessaire (soit perdue, soit versée aux archives départementales). En outre, plus la commune est de faible importance géographique, moins il se trouve en mairie, aux horaires le plus souvent inadaptés pour votre visite, de personnes aptes à renseigner ou tout simplement disponibles pour ce faire. Et trop, souvent, la compétence de votre interlocuteur se limite à l'état civil.

Vous pouvez espérer trouver les correspondances à propos du Livre d'or, le résultat des enquêtes pour identifier et prévenir les familles, les procès-verbaux d'exhumation et de réinhumation, les comptes-rendus de transfert des corps vers une autre sépulture. Et, bien entendu, les registres du recensement militaire.

On fera évidemment un détour par le monument aux morts, en se rappelant que, de toutes les sources, c'est la moins fiable, voire la plus trompeuse.

La série Q des archives communales peut permettre d'identifier et localiser les ayants droit de l'époque, susceptibles d'avoir été secourus par la commune. De même pour les archives hospitalières en ce qui concerne les établissements civils (temporaires, provisoires, complémentaires, etc.) dont le fonctionnement ne dépendait pas de l'armée.

Enfin, la série D (délibérations du Conseil municipal) est toujours riche d'enseignement. Vous tiendrez compte du décalage chronologique dû à la lenteur des informations pour parvenir à leur destinataire. A compléter par les éventuelles traces dans la comptabilité de la commune (série L). Vous devrez le plus souvent parfaire la visite en mairie par une séance d'investigation aux archives départementales pour explorer les séries correspondantes (E ou W selon la date de versement, et non de survenue des événements).

Internet

Il est indispensable de savoir utiliser un moteur de recherche. Les ressources de la Toile sont considérables et souvent surprenantes d'efficacité si on les utilise judicieusement, c'est-à-dire si on prend au moins le soin de les recouper avec soin. Il existe un grand nombre de sites, plus ou moins spécialisés, consacrés au conflit. Il est recommandé de choisir un nombre limité de mots-clés et de procéder par interrogations successives.

Pour en savoir davantage

Maintenant que vous avez sous les yeux le dossier de l'officier, ou la fiche matriculaire du sous-officier ou du soldat, vous éprouvez le désir légitime d'aller plus loin dans la connaissance de ce qu'il était, de ce qu'il a fait, des événements auxquels il a été mêlé. Il arrive, notamment dans le cas de recherche de sépulture, que cette étape passe avant la précédente pour vous apporter un surplus d'informations. La principale difficulté pour un néophyte est la compréhension des nombreux sigles et abréviations dont les militaires se montrent friands. Là encore, Internet vous sera d'un grand secours.

L'état signalétique et des services (ESS)

Cette feuille (il n'existe pas de présentation standard ou, plutôt, les standards ont changé très souvent) présente la chronologie de la carrière d'un militaire. Elle est établie lors de chaque événement qui en modifie le déroulement : mutations, avancement, décorations, demande quelconque, etc. L'ESS est en général de lecture aisée, sauf écriture négligée ou graphie démodée. Il est quand même vivement conseillé de le comparer au livret d'officier qui se trouve quasiment toujours dans le dossier. Parfois on trouve sur l'un de ces documents des petits papiers collés qui ne sont pas sur l'autre.

La fiche matriculaire

Elle est d'une consultation moins aisée, parce que plus touffue, et conçue pour recevoir un maximum d'informations sur un minimum de papier. Le plus efficace est de saisir les données sur un tableur (Lotus®, Works®, Excel®) à la queue leu leu, sur deux colonnes (date et événement) puis de faire un tri sur les dates (sur un logiciel ancien, suspect de ne pas trier les dates, on a intérêt à saisir celles-ci « à l'envers », sous la forme AAMMJJ). On obtient alors un déroulement chronologique qui rétablit la cohérence de l'ensemble ou tire l'œil sur de possibles invraisemblances. On obtient ainsi un ESS comparable à celui de l'officier.

Le journal des marches et des opérations (JMO) et la sous-série 26N au SHD

Les régiments identifiés, la chronologie connue, on va consulter dans le JMO le cahier qui nous intéresse. On fait de même avec le journal de bord des navires. Les JMO des escadrilles ont été rétrocédés par le Service historique de l'armée de terre au Service historique de l'armée de l'air (série A), mais la plus grande partie a disparu, ce qui rend cette série particulièrement lacunaire.

Tout ce qui suit ne concerne que les JMO des unités de l'armée de terre.


La quasi-totalité des JMO sont conservés au SHD-Terre. Ceux des régiments d'infanterie (régiments de réserve, territoriaux et coloniaux exclus) sont microfilmés et la version papier n'est pas communiquée. Les JMO des autres unités sont sous la forme de cahiers, non admis à la photocopie. Les documents microfilmés peuvent être reproduits sur un lecteur-reproducteur. Il est possible d'obtenir des bobines de microfilms réalisées à la demande, après acceptation et paiement d'un devis présenté à des tarifs volontairement dissuasifs.

La tenue des JMO a été rendue obligatoire après la guerre franco-prussienne de 1870-1871, comme une leçon tirée de la récente défaite, pour une utilisation didactique. Ils contiennent la relation, au jour le jour, des événements, ordres et comptes-rendus d'exécution, unité par unité, parfois jusqu'à l'échelon de la compagnie (ou escadron, ou batterie). On y trouve aussi les mouvements de personnels qui affectent en tout cas les officiers, et parfois certains sous-officiers et soldats. Ils servent aussi à vérifier - voire établir - les droits des combattants et de leurs ayants droit.

La lecture du JMO ne vous livrera qu'exceptionnellement - on pourrait même dire miraculeusement - des informations sur un sous-officier ou soldat, sinon anonymement dans le cadre d'une opération d'ensemble. Le cadre de l'action sera au moins décrit minutieusement.

Vous vérifierez l'existence d'annexes éventuelles (ce n'est pas systématique), dont la mention est rejetée en fin de rubrique dans l'inventaire. Elles contiennent des cartes, des comptes-rendus de pertes (tués, disparus, blessés), parfois des listes de citations, de mutations, etc.
A l'inverse, les premières pages du premier cahier indiquent la composition et la situation de l'unité au début du conflit. C'est répété lors de chaque changement important.

L'ensemble des JMO de cette guerre se trouve en sous-série 26N. C'est à compléter impérativement par les documents complémentaires éventuels en sous-série 25N et par les historiques à consulter en bibliothèque (également au château de Vincennes) en accès libre parmi les usuels. On trouve aussi un grand nombre d'historiques - et beaucoup d'autres documents - à la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine, à Nanterre. En outre, des archives (essentiellement des fonds privés et des collections iconographiques) sont déposées au Musée d'histoire contemporaine (établissement parisien de la BDIC), à l'Hôtel national des invalides.

... et encore plus !

Citations et décorations

Lorsque le militaire a été décoré, le texte de la citation figure dans le dossier d'officier, et n'est pas toujours reproduit (il s'en faut) sur une fiche matriculaire de sous-officier ou soldat. Mais les références doivent y figurer. Dans ce cas, le texte peut être obtenu auprès du Bureau central des archives administratives militaires (BCAAM). On le demande en justifiant de sa filiation et en joignant à la demande (en photocopie) sa carte d'identité, l'acte de décès du décoré, le document sur lequel figure la référence de la citation (au BCAAM on est supposé savoir déchiffrer les signes cabalistiques). Vous n'oublierez évidemment pas de joindre une enveloppe libellée à vos nom et adresse, et suffisamment affranchie. Vous recevrez un diplôme « à la manière de » celui qu'aurait reçu votre ancêtre.

La Légion d'honneur et la Médaille militaire sont gérées par la Grande chancellerie de la Légion d'honneur.
Selon que le dossier de Légion d'honneur est antérieur ou postérieur à 1954 (bien des témoignages de reconnaissance sont venus très tardivement), il se trouve, soit au Centre des archives contemporaines à Fontainebleau (après avoir demandé la cote à la Grande chancellerie), soit au CHAN / CARAN (la cote s'obtient sur place aux bornes de l'espace multi-media, en libre accès dans le hall d'entrée ou dans la salle des inventaires) ou par Internet en consultant le site spécialement dédié http://www.culture.gouv.fr/documentation/leonore/pres.htm.

Les dossiers de Médaille militaire ont été déposés aux Archives nationales par la Grande chancellerie, à laquelle vous demandez les références avant de prendre contact avec le Centre des archives contemporaines, à Fontainebleau.

Faut-il rappeler que l'Ordre national du mérite n'existait pas à cette époque ?
Il existe un grand nombre de médailles commémoratives dont l'attribution n'est pas liée à une citation officielle. Nombre de ces médailles ne sont même pas décernées par l'État, mais par une collectivité territoriale ou une association patriotique. C'est auprès de ces entités qu'il convient de se renseigner.

Dossier médical

Si l'extrait mortuaire (ou la transcription en mairie) mentionne clairement un hôpital ou une ambulance, vous pouvez demander le dossier médical, à condition que soit respecté le délai de 150 ans (à compter de la date de naissance de l'ancêtre). Les dossiers des malades sont au Service des archives médicales et hospitalières des armées (SAMHA). Les JMO des services divisionnaires et des ambulances, sections d'infirmiers ou brancardiers, sont au SHD-Terre, parfois à la suite des JMO régimentaires Les autres JMO de structures médicales sont au Service historique du Service de santé des armées, dans l'enceinte de l'hôpital militaire du Val-de-Grâce. L'accès se fait sur rendez-vous, après autorisation à demander au médecin-colonel conservateur du musée.

Cela ne vaut que pour les établissements appartenant au Service de santé des armées. Les archives des hôpitaux annexes, provisoires, temporaires, etc. mis sur pied et gérés par autorités civiles ou des œuvres de bienfaisance sont gérées selon les règles de droit commun applicables en la matière (Assistance publique, départements, communes, congrégations ou évêchés, hôpitaux eux-mêmes). On s'adressera aux services d'archives départementales, diocésaines, communales ou hospitalières selon les cas.

Archives judiciaires

Quand le corps n'a pas été retrouvé, seule une décision de justice peut faire constater un décès devenu plus que probable : quasiment certain. Les références du jugement (instance, date et lieu sont mentionnés sur la fiche mémoire des hommes). Le jugement est retranscrit dans les registres de l'état civil où il tient lieu d'acte de décès. Si on trouve cette transcription, il est inutile de chercher dans les archives judiciaires un document qui n'apportera rien de plus.

Pensions militaires

Les dossiers de pension des officiers sont au SHD-Terre, et il en a été question plus haut. Les dossiers de pension des autres anciens combattants de 14-48 sont au Centre des archives contemporaines (Fontainebleau). Le service des pensions des armées (La Rochelle) gère les dossiers des anciens combattants de 39-45.

Le cas particulier de la Légion étrangère

La Légion est une armée dans l'armée, pour ne pas dire un État dans l'État. Elle fonctionne avec ses propres règles de gestion du personnel, en fait sinon en droit. Les réponses sont difficiles à obtenir, quand elles viennent ; en tout cas, inutile de demander quoi que ce soit si vous n'êtes pas un descendant en ligne directe et que le légionnaire est né il y a moins de 120 ans. Il faut vous adresser au Bureau des anciens de la Légion étrangères (BALE) pour les renseignements personnels (120 ans), y compris d'ordre médical (150 ans). Le Service d'information historique de la Légion étrangère vous accueille pour ce qui concerne les campagnes de la Légion (notamment les JMO).

On rappelle que les officiers de la Légion étrangère viennent d'une subdivision d'arme de l'armée de terre. Leur dossier est géré par le SHD-Terre, et tous les organismes cités ici, chacun pour ce qui le concerne, dans les conditions de droit commun.

Français et autres Européens natifs d'Afrique du Nord, des anciennes colonies, des pays sous protectorat

Ils ont été soumis à des procédures particulières en matière de recensement, recrutement, conscription, engagement. On interroge le Centre des archives d'Outre-mer (CAOM) ou le Centre des archives diplomatiques à Nantes. Le dernier recours pour obtenir, sinon des informations définitives, au moins des pistes pour une enquête approfondie, est le BCAAM.

Personnels civils du ministère de la guerre

Leurs dossiers sont gérés par la Direction des personnels et des affaires générales de la Délégation générale pour l'armement (DGA) à Châtellerault.

Les autres civils

Le statut de « mort pour la France » - instauré le 2 juillet 1915, avec effet rétroactif au début de la guerre - a d'abord été accordé aux militaires des armées tués à l'ennemi, morts de blessures de guerre, décédés de maladie (imputable au service) ou lors d'un accident survenu en service.

Il a été étendu aux civils par la loi du 28 février 1922, avec effet rétroactif pour le début de la guerre. Ce sont les personnes suivantes :
  • les marins du commerce victimes d'événements de guerre;
  • tout personnel soignant, hospitalier ou religieux, ayant succombé à des maladies contractées au contact des blessés et malades;
  • toute personne décédée des suites de violences constituant une conséquence directe de faits de guerre;
  • tout membre des forces du maintien de l'ordre tombé en service commandé.

Les policiers en font partie, mais pas les gendarmes, qui sont des militaires. De même, les sapeurs-pompiers sont des civils, sauf ceux de Paris (BSPP) et de Marseille (BMPM) qui sont des militaires.

La marine marchande a certes contribué à l'effort de guerre. Ses archives sont aux Archives nationales (Sous-séries F12 et AJ27). Des dossiers de demande de pension sont au département de l'armée de terre sous les cotes 26N 1673-1674.

Ce qui concerne la marine fluviale est aux Archives nationales et constitue la sous-série AJ28

Les éventuels dossiers de ces personnes ont été gérés comme n'importe quel dossier civil, en n'importe quelle circonstance. Il convient de commencer ses recherches par les archives départementales. Certaines professions sont à étudier aux Archives nationales. Ces cas particuliers relèvent de la pratique généalogique courante, et on ne peut mieux faire que renvoyer le lecteur vers des sites et des organismes spécialisés.

D'autres catégories de personnes ont été admises à ce statut en fonction de spécificités propres à la Seconde guerre mondiale (déportés, résistants par exemple). Leur présence ici serait un anachronisme.

Réfugiés

Sous le titre générique de « Mélanges, 1914-1920 », les Archives nationales présentent les 22 premiers cartons de la sous-série F23. L'essentiel concerne l'Office de renseignements pour les familles dispersées (1914-1918), les réfugiés, les prisonniers de guerre, les internés civils, les rapatriés.

Alsaciens-Lorrains

Il convient de consulter les cotes 26N 1678 et suivantes au Service historique de la défense (département de l'armée de terre), et la sous-série AJ30 aux Archives nationales (Administration provisoire de l'Alsace-Lorraine après 1914), sauf les articles 1 à 90 (Mission militaire administrative en Alsace), en dépôt aux Archives départementales du Haut-Rhin.


Optimiser vos recherches

Votre visite dans les dépôts d'archives

Les archives sont vivantes ; elles bougent. Il en est même qui gigotent. Au cours des dernières années, les procédures d'accueil et de consultation ont changé plusieurs fois à Vincennes, et d'autres changements radicaux sont attendus pour l'année 2007. L'exemple récent des Archives nationales nomades incite à la prudence. D'autres dépôts sont périodiquement fermés pour des travaux ou des réorganisations. Des fonds sont en cours de tri, des inventaires en attente de finalisation ou de numérisation. Une règle d'or s'impose : ne vous déplacez jamais sans avoir pris un contact préalable pour vous assurer de l'existence et de la communicabilité des fonds, comme des conditions d'accès. Le reste est affaire de bon sens et d'éducation. Prévoir la menue monnaie pour les vestiaires, et les appareils reproducteurs quand ils sont en libre service. Et ne comptez pas sur la machine à café : quand elle n'exige pas l'appoint, elle rend rarement la monnaie sous la forme attendue.

Du bon usage de l'entraide

Vous pouvez être dans l'obligation de faire appel à l'entraide, par l'intermédiaire de cercles généalogiques, d'associations spécialisées, ou en posant des questions sur un forum de discussion.

Vous gagnerez du temps, et n'en ferez pas perdre à vos interlocuteurs, en livrant d'emblée la totalité des informations utiles, et seulement celles-là, sans tourner autour du pot, en respectant la règle des 3P (petit, précis, pratique).

Vous cherchez un aïeul, mort pendant la guerre et croyez savoir qu'il a servi au énième d'infanterie. Ne demandez pas « des informations sur le régiment » ; elles ne vous apporteront rien, ou alors ultérieurement. Dites : « Mon ancêtre Untel, tel grade, au énième d'infanterie à telle date, né le …, serait mort le ... à ... - J'ai déjà effectué telle et telle recherche (sans résultat ou avec le résultat suivant) - Je désire connaître : ... ... ». Ne présentez comme informations que celles dont vous êtes certain. Il vaut mieux ne rien dire qu'avancer des suppositions hasardeuses. Il est inutile de démotiver vos correspondants en les missionnant pour une exploration au long cours, plus que probablement sans résultats, au sujet de quelqu'un qui ne leur est rien.

Il va sans dire que vous offrirez, en contrepartie, d'assurer une éventuelle recherche dans les dépôts d'archives que vous fréquentez régulièrement, et vous n'oublierez pas de remercier.

Si vous n'obtenez pas de réponse sur un forum dans les 48 heures qui suivent votre demande, n'ameutez pas les populations qui n'en peuvent mais. C'est, probablement, que personne ne connaît la réponse, ou que quelqu'un est encore en train de la chercher pour vous. Il vaut mieux méditer sur l'ignorance que fantasmer sur une sottise. Et tenez compte des caprices de l'informatique et des mystères d'Internet.

Enfin, il est normal et utile, avant toute demande, de se documenter en bibliothèque sur la période et le lieu qui vous intéressent. Il vaut mieux savoir de quoi on parle, et comprendre ce que l'on va vous dire. Rien n'est plus crispant que de voir tomber des questions pour jeu télévisé du genre : « Mon arrière grand-père est mort, probablement à l'armée, en 1916. Que se passait-il à ce moment-là ? ». Je la garantis (dramatiquement) authentique.


© Alain BARRAULT, juin 2006
archimili@orange.fr